Tout s’en va, tout se meurt…

Il était une fois Monsieur Aznavour.

Sur ma vie, se sont penchées un jour de février 1959, à la maternité Cognacq-Jay, deux dames : Knar et Aïda. Elles venaient visiter ma mère, Nelly, leur parente et son premier né.

Knar, Micha, Aïda et Charles, ces noms qu’on évoquait entre nous revenaient souvent dans les souvenirs de ma famille. Au début je ne comprenais pas pourquoi, ma mère avait autant d’émotion, quand passait à la radio une chanson de Charles. Nous vivions alors dans un une pièce en rez-de-cour, au 19 rue de l’Aude dans le 14ème arrondissement de Paris.

Ma première rencontre avec Charles fut à l’automne 1969, lors de l’enterrement de mon grand-père Raphaël, ce tailleur le plus chic chez qui il avait fait ce complet bleu, plaisantait Nelly. Cimetière de Thiais, tout s’en va, tout se meurt, mon enfance fuit, j’ai dix ans. Charles m’impressionne avec ses lunettes de soleil comme pour préserver son incognito ou cacher sa peine. Sa Rolls blanche remonte la rue Mansart, là où habitaient mes grands-parents. Les souvenirs se meurent…

Mougins, la villa sur la Côte, Aïda, Knar et Micha nous accueillent. Quelques images volées par la caméra de mon père, témoignages du passé en 8mm, les souvenirs surannés demeurent sur la pellicule.

Et Montfort-L’Amaury, la demeure à Galluis,entre joie et tristesse, nous fêtons le baptême de Katia, nous pleurons le départ de Knar puis de Micha . Tout s’en va, tout se meurt.

Charles est là entouré des siens, la famille élargie, dans le bonheur et dans la peine. L’amour, c’est comme un jour.

Hier encore, j’avais 20 ans. Je caressais l’envie de revoir Charles, lors de son passage à l’Olympia, en 1980. Je passais mes après-midis dans sa loge. Nous parlions de tout et de rien, de la famille, des absents et des autres, de mes projets. Je me souviens du sourire d’Ulla qui m’y croisa. Ce sourire que je puis oublier, lorsqu’elle redécouvrait un des membres de cette famille cachée, discrète, à des années-lumière du monde du show business. Nous partagions sans doute ce même goût de la discrétion.

Et voilà, qu’après que tu sois parti à ton tour, oncle Charles, toi qui me présentais comme ton neveu, je te retrouve sur grand écran dans ce Monsieur Aznavour, magnifiquement incarné par Tahar Rahim dans le film réalisé par Grand Corps Malade et Mehdi Idir. Je te reconnais sur certains plans, je te reconnais, je ris et je pleure.

À la fin de la séance, dans ce cinéma de Tours, les applaudissements fusent. Comme après ton tour de chant, lorsque en 2000, je te revois sur scène au Palais des Congrès, ce jour de janvier, devant les présidents Jacques Chirac et Levon Ter-Petrossian.

Tu ne nous appartiens pas, tu ne nous appartiens plus. Tu appartiens au Monde.

Tu resteras néanmoins toujours vivant dans mon cœur, depuis ce 1er octobre 2018.

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