Une vie, oui… Mais toutes les vies
Dois-je avouer que cette manière de copier servilement tout ce qui est américain m’exaspère ?
On peut admirer la culture nord–américaine sans pour autant importer servilement tout ce qui en vient, à commencer par des slogans comme Black Lives Matter. Pourquoi opposer des vies ? Toutes ne comptent-elles pas ?
Le manichéisme est très américain, un univers de contrastes très marqués où le blanc se distingue du noir jusque dans les bus qui étaient réservés selon la couleur de la peau. Arrière-petit-fils, petit-fils et fils d’émigré, je n’en ai pas le souvenir en France. La ségrégation a sévi et sévit encore dans des contrées aux États-Unis. L’apartheid avait mis l’Afrique du Sud au ban des Nations. Sa fin a-t-elle apaisé les tensions ? Je ne me rappelle pas que la France ait connu d’apartheid, en dehors de la période de l’Occupation.
Outre-Manche, on a privilégié la carte du communautarisme. Des villes anglaises comme Birmingham admettent le recours à des Conseils locaux de la Charia. Dans un État de droit, peut-on appliquer des règles issues de coutumes d’autres pays ou d’autres religions, enfreignant le principe d’égalité ?
L’exil est rarement un choix. Sa cause première est la misère ou la guerre. En changeant de pays ou de continent, le déraciné voit son existence bouleversée : tout y est différent la langue, le climat, le mode de vie, les lois, notamment. D’autant qu’il est difficile pour un exilé de s’intégrer lorsque les conditions d’accueil ne sont pas propices. Croyez-vous que les Italiens, les Espagnols ou les Polonais n’ont pas connu ces vicissitudes en foulant le sol de France ? Ils venaient pourtant du même continent, voire de l’autre côté de la frontière. Leur enracinement ne s’est pas fait du jour au lendemain. Aujourd’hui, qui cela interpelle ? Personne. Vous avez sûrement dans votre famille, un ancêtre d’origine étrangère comme 1 Français sur 5.
Les États-Unis n’existent que par l’émigration massive, européenne dans un premier temps, puis mondiale par la suite. Les Amérindiens y étaient à l’origine les seuls peuples autochtones que la conquête de l’Ouest et les guerres successives ont décimés. Que reste-t-il de ces « indiens » ? Des tribus cantonnées dans des réserves. Les États du Sud des États-Unis ont développé leur économie sur un système esclavagiste qu’a favorisé le commerce triangulaire. Or, qui pratiquait ce commerce ? Les peuplades africaines s’y adonnaient, tout comme les Arabes d’Afrique du Nord. Ils pourvoyaient en bois d’ébène leurs clients venus d’Europe notamment, mais n’oublions pas qu’il y eut également plus d’esclaves blancs qu’africains.
Où croyez-vous que la Sublime Porte se fournissait en Janissaires ? En enlevant les garçons les plus robustes dans les familles non-musulmanes. Quant aux plus belles filles de l’Empire, elles finissaient dans des harems qui n’avaient rien de paradisiaques.
L’esclavagisme persiste encore dans certains pays. Les citer serait inutile. Ce serait stigmatiser, alors que c’est le fait de familles qui s’arrogent le droit de vie et de mort sur leurs semblables.
La repentance ne doit pas être une posture à sens unique. Car tous les peuples devraient alors se prosterner. L’auto-flagellation n’est pas la solution, mais le pardon l’est. On ne refera jamais le passé, comme il est illusoire de réécrire l’Histoire. Se venger à présent sur ce qui représente à ses yeux le symbole de sa détestation est absurde, voire criminel lorsqu’on s’en prend à des êtres humains. Se poser en perpétuelle victime, c’est renoncer à s’affranchir des douleurs anciennes tout en se mésestimant dans le regard de l’autre. Grandir exige de se libérer. Et cette libération passe par l’amour, non par la haine.
À propos de l’auteur