Une respiration d’humilité
Recueilli à la fin de la Grande Guerre dans un orphelinat du Near East Relief au Liban, Missak Manouchian était un rescapé du Génocide de 1915. Lorsqu’il arriva en France en 1925, il avait juste 19 ans ; pour tous papiers, un poème dans lequel il clamait son amour de la France.
Étranger apatride, il travailla à l’usine afin de subvenir à ses besoins et à ceux de son frère tombé malade. Il s’inscrivit à la Sorbonne pour y suivre des études de Lettres. Militant communiste, il devint rédacteur en chef d’un journal, Zangou. Engagé volontaire en 1939, il entra en clandestinité en 1941 après l’invasion de l’URSS.
Il sortira de l’ombre avec ses camarades comme chef de bande de l’Armée du Crime, leurs visages tuméfiés placardés sur une sinistre Affiche Rouge, un rouge sang. Utilisée par l’occupant pour discréditer la Résistance française, cette manœuvre se retournera contre ses propres auteurs et fera de ces inconnus des héros.
Ils étaient 23, en majorité étrangers et apatrides. 22 tombèrent sous les balles nazies au Mont Valérien, le 21 février 1944 ; la seule femme, Olga Bancic fut décapitée à la hache en Allemagne.
Face à la mort, tous crièrent : « Vive la France !» en s’abattant.
Dans sa dernière lettre à son épouse Mélinée, Missak Manouchian écrivait : « Je n’ai pas de haine contre le peuple allemand. »
Étrangers parfois sans papiers, ils sont tombés pour la France, pour l’honneur, pour la liberté. Dépourvus de haine et de tout sentiment de vengeance, ils sont morts pour que les générations futures puissent vivre libres.
Qu’avez-vous fait de cette liberté ?
Ils étaient 23, s’obligeant aux devoirs sans demander plus de droits.
Aujourd’hui, ne réclame-t-on pas plus de droits tout en refusant le moindre devoir ?
Ils étaient 23. Beaucoup portaient des noms exotiques que rares étaient ceux capables de prononcer sans les écorcher. Et pourtant, ces noms sont gravés dans notre Histoire :
- Celestino Alfonso (AR), Espagnol, 27 ans
- Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, décapitée en Allemagne le 10 mai 1944)
- Joseph Boczov [József Boczor ; Wolff Ferenc] (AR), Hongrois, 38 ans – Ingénieur chimiste
- Georges Cloarec, Français, 20 ans
- Rino Della Negra, Italien, 19 ans – Footballeur du Red Star Olympique
- Thomas Elek [Elek Tamás] (AR), Hongrois, 18 ans – Étudiant
- Maurice Fingercwajg (AR), Polonais, 19 ans
- Spartaco Fontano (AR), Italien, 22 ans
- Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans
- Emeric Glasz [Békés (Glass) Imre], Hongrois, 42 ans – Ouvrier métallurgiste
- Léon Goldberg, Polonais, 19 ans
- Szlama Grzywacz (AR), Polonais, 34 ans
- Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans
- Cesare Luccarini, Italien, 22 ans
- Missak Manouchian (AR), Arménien, 37 ans
- Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans
- Marcel Rajman (AR), Polonais, 21 ans
- Roger Rouxel, Français, 18 ans
- Antoine Salvadori, Italien, 24 ans
- Willy Schapiro, Polonais, 29 ans
- Amédéo Usséglio, Italien, 32 ans
- Wolf Wajsbrot (AR), Polonais, 18 ans
- Robert Witchitz (AR), Français, 19 ans
Ils étaient mes frères, ils étaient de mon sang. Ils sont morts pour vous laisser respirer.
Nota : (AR) mention pour Affiche Rouge
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