Tout n’est pas qu’économie
Depuis le 17 mars 2020, la France vit le confinement sur tout son territoire. En d’autres termes, la population est invitée à ne plus sortir de chez elle, sauf dérogation, afin d’éviter la propagation du coronavirus. Quitter son domicile sans un motif légitime, muni d’une attestation signée par le porteur est passible d’amende de 4ème classe : Amende forfaitaire de 135 euros pour la première violation (majorée à 375 euros en cas de non-paiement dans les 45 jours), amende de 1 500 euros en cas de récidive dans les 15 jours et jusqu’à 3 750 euros d’amende et six mois de prison en cas de multi-récidive dans une période de 30 jours. La suspension du permis de conduire est également possible [Loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19]. Quant à la durée de l’état d’urgence, on peut noter que : […] l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour deux mois, soit jusqu’au 24 mai 2020 sur l’ensemble du territoire.
Au 30 mars 2020, 5.464.615 contrôles avaient été effectuées et 336.626 infractions relevées. À la même période (31/03/2020), la France enregistrait 56.989 cas confirmés de coronavirus, 10.934 retours à domicile, 24.639 hospitalisations dont 6.017 en réanimation et 4.030 décès à l’hôpital. Le civisme de certains semble donc à revoir.
Au-delà des chiffres, le confinement bouleverse la vie de nombreuses familles. Si, en prévision de cela, quelques-uns ont fait le choix de transhumer, contaminés ou non, vers leurs résidences secondaires en s’imaginant être en vacances à leur arrivée, d’autres se sont retrouvés bloqués dans leur appartement, soit à plusieurs, soit seuls.
Les rapports interpersonnels peuvent devenir compliqués, quand on a perdu l’habitude de cohabiter. Des tensions se créent ; l’incompréhension s’installe ; le télétravail s’invite dans la sphère privée ; le téléphone sonne plus fréquemment ; heureux de profiter de leurs parents à plein-temps, les enfants sont agités ; privés de leur liberté, les adolescents s’ennuient ; les conjoints arrivent à ne plus se supporter ; et les personnes seules se morfondent, faute de pouvoir recevoir leurs amis.
Il est nécessaire de recomposer une vie de famille dans un espace restreint pour ceux n’ayant la chance de bénéficier d’un extérieur. Mais, cela peut dépasser le cadre familial. Parfois, lors de nos échanges sur les réseaux sociaux, des propos anodins peuvent gêner certains sans qu’il n’y ait une quelconque malice de la part de l’émetteur. Il y a la bouche qui dit et l’oreille qui entend.
En période de crise, nos sens, nos interprétations peuvent être parasitées au point que l’on puisse se méprendre sur les bonnes intentions de l’autre. Notre patience étant à bout, fut-ce inconsciemment, nous ne pardonnons pas le moindre écart de langage, la plus petite allusion, le compliment anodin ou l’humour irritant. Nos ressentis sont, à tort ou à raison, exacerbés par le climat anxiogène ambiant où la peur fait son travail de sape.
Il nous faut admettre que l’unique lien social qui nous reste passe par les outils numériques et le téléphone, faute de pouvoir se rencontrer, excepté nos voisins immédiats ou le livreur qui vient aimablement nous ravitailler pour nous éviter de nous risquer au-dehors.
Toute crise est une épreuve que nous devons traverser sans pour autant perdre notre âme. Nous devons accepter avec plus de mansuétude les erreurs ou les maladresses des autres que nous ne devons pas juger trop sévèrement.
Le confinement a un prix qui n’est pas économique ; il est humain. Il ne se chiffrera pas forcément dans les statistiques d’infractions ou de décès, mais il laissera des traces.
Il nous appartient que ces traces soient positives, en ce sens qu’elles nous enseignent à puiser le meilleur en nous sans blesser les autres par des jugements erronés sur leurs intentions. Bâtir une relation prend du temps, la détruire est immédiate.
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