La mode serait-elle à la turquerie ? On peut légitimement se poser la question. Ainsi, dans le n° 1683 du Point du 17/01/2007, on avait pu lire sous la plume de Frédérique Andréani, envoyée spéciale à Londres, un article consacré à Saint Nicolas (Wanted Saint Nicolas). On y relève que Saint Nicolas était un évêque orthodoxe turc du 4ème siècle. Cette première affirmation n’est pas exempte d’erreurs et de contresens – elle n’est hélas pas la seule – qu’une journaliste digne de ce nom devrait s’abstenir de commettre.

Si Saint Nicolas était évêque de Myra (Myre) en Lycie (qui aujourd’hui se situe au sud-ouest de la Turquie), au 4ème siècle, la Turquie n’existait pas. La Lycie, et plus généralement l’Asie mineure, faisait alors partie de l’Empire byzantin. Les Turcs ne sont apparus dans la région qu’au 12ème siècle, et l’Empire ottoman a été fondé vers 1299 ; en conséquence, Saint Nicolas ne pouvait être turc. Les Turcs sont, si je ne m’abuse, des musulmans et la dignité ecclésiastique d’évêque n’existe pas dans l’islam, mais dans la religion chrétienne ; elle vient du grec « episkopos » (surveillant). Par ailleurs, Saint Nicolas ne pouvait être orthodoxe, le schisme d’Orient date du 11ème siècle, soit sept siècles après Saint Nicolas. Au 4ème siècle, il existe principalement une église chrétienne régie par le Concile de Nicée ; un premier schisme aura lieu en 451 au Concile de Chalcédoine entre l’église catholique et les églises appelées dès lors non-chalcédoniennes à savoir arménienne, copte et syriaque. Ceci étant posé Saint Nicolas ne pouvait donc être, à proprement parler, qu’un évêque chrétien d’Asie mineure.

Plus loin encore, la journaliste poursuit en disant que des « pillards italiens auraient volé les ossements de Saint Nicolas aux Turcs en 1087. » Comme nous l’avons déjà indiqué l’Asie mineure ne constituait pas un territoire turc à cette date. Et, au demeurant, Saint Nicolas étant un Saint chrétien, le sort de ses cendres désintéressait des Turcs musulmans.

En titre de conclusion, nous avons droit à la cerise sur le gâteau quant à la suggestion de restituer aux Turcs les reliques de Saint-Nicolas, conservées à Bari en Italie, ce qui serait considéré par les Turcs comme un geste pour Noël. Pour ma part, j’ignorais que Noël représentait une des fêtes majeures de l’Islam. Ce doit être sans doute le cas puisqu’au nom de la laïcité et de l’interdiction des signes religieux dans les écoles une poignée d’élèves d’un collège de Seine-et-Marne – dont on ne connaît pas la confession – a exigé du proviseur l’enlèvement du traditionnel sapin de Noël qui ornait l’établissement.

Quoiqu’il en soit, nous ne saurions rappeler aux journalistes de vérifier leurs sources (historiques notamment), en espérant que, dans cette affaire, il s’agisse plus d’omission que de volonté de désinformation. Sinon, en considérant que la Palestine avait été occupée jusqu’en 1918 par l’Empire ottoman, ne risque-t-on pas de lire tôt au tard que Jésus Christ lui-même était turc !