Monsieur le Président,
Rien ne se construit de durable sans la confiance.
Joie, ferveur et liberté. Ces trois mots connus dans le monde compagnonnique sont gravés dans le marbre de la tradition comme le sont dans celui de l’histoire : Liberté, Égalité et Fraternité sur le fronton de la République.
Chez les compagnons bâtisseurs, ils spécifiaient comment ces derniers servaient leur maître. S’il n’existe plus ce rapport de maître à compagnon que dans certains cercles, nous aspirons chacun à être maîtres de nos vies ou de nos destins.
Aujourd’hui, si ma joie demeure dans mon cœur, elle est en proie pour beaucoup au doute dans ce monde où nos vies ne nous appartiennent plus.
Éphémère, la ferveur, si elle ne s’est pas éteinte, est devenue résignation.
Quant à la liberté, commune à celle de la République, elle se réduit à peau de chagrin sous les coups de lois et de règlements de plus en plus liberticides.
On nous dit que tout est fait pour notre bien, mais quel bien ? Ou plus précisément pour le bien de qui ?
Depuis des décennies, le fossé s’est creusé entre le peuple et ceux qui régissent son destin en plusieurs mondes indissociables, s’ignorant l’un l’autre.
À force de rester sourd aux souffrances des plus faibles, le pouvoir prend le visage de l’indifférence, de la suffisance avec pour corollaire la répression directe ou induite à l’encontre de ceux qui osent penser autrement, ou le manifestent en désespoir de cause.
Monsieur le Président, nous sommes arrivés à un point de non-retour, dans une société habilement divisée entre des citoyens inconciliables.
La division est l’arme de domination des soi-disant puissants que renforce le sentiment de peur qu’ils instillent dans les esprits. Or, on n’est rien tout seul, mais avec les autres.
Je suis issu d’un peuple martyr, ayant fui la discrimination et la stigmatisation dans un Empire oppressant, confinant ses régnicoles minoritaires dans un statut de citoyens de second ordre.
Il y a plus d’un siècle, les miens ont choisi l’exil pour gagner la France. Francophones et francophiles, ces apatrides espéraient vivre en paix afin de soigner leurs blessures.
Avec leur passeport Nansen pour tout sésame, ils ont reconstruit leurs vies ici, en partageant avec leur nouveau peuple ses joies comme ses souffrances.
Ce pays-là, je ne le reconnais plus. Il me rappelle plus les affres de l’Empire du passé que celui rêvé par mes anciens.
Ne serait-il pas temps d’ouvrir les yeux avant que l’irréparable ne se produise ?
Bien à vous.
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