Autant en emportent les vents
L’après-confinement serait-il pire que l’avant ? Une mort brutale et injuste Outre-Atlantique est venue raviver comme une trainée de poudre des plaies que des années de ghettoïsation des banlieues, livrées elles-mêmes, n’ont jamais guéries. Pendant des décennies, les gouvernements et les élus ont acheté une illusoire paix sociale sensée préserver leurs centres-villes de la déferlante de la peur l’autre. De l’autre côté du périphérique s’est développée une société parallèle avec ses codes, ses lois, ses caïds et son économie souterraine.
Qu’avons-nous proposé à cette jeunesse en quête de repères entre la perspective du chômage et l’attrait de l’argent facile ? En coupant le lien entre la police de proximité et la population des banlieues, le contrat social a été définitivement rompu.
Dans le même temps, la classe moyenne pressurée par les élites s’est radicalement paupérisée, vivant à crédit pour un semblant de confort ordinaire.
Elle a quitté les métropoles, abandonnées aux grandes fortunes, aux investisseurs étrangers, aux spéculateurs et aux « Bobos », jugeant leur prochain à l’aune de leurs propres valeurs.
Standardisation mondialiste aidant, tout ce qui constituait le particularisme de nos villes a peu à peu disparu de notre quotidien, remplacé par les mêmes grandes enseignes sans âme. Sacrifiés sur l’autel de la grande distribution, les petits commerces et les artisans ont tiré leur rideau de fer, quand ils n’ont pas migré vers d’autres lieux leur offrant la possibilité de vivre de leur métier. Combien d’ateliers ont ainsi été démantelés afin d’être convertis en loft pour riches. On a tué le savoir-faire de nos créateurs en privilégiant les activités intellectuelles aseptisées, réservant le travail manuel à ceux qui n’ont aucune « instruction » ou aux laissés pour compte de l’éducation nationale.
En multipliant les exclusions, on a développé le rejet d’une société devenue intolérante, qui continue à se croire bien-pensante. Décriée par certains comme une manifestation extrémiste, la révolte des Gilets Jaunes n’était que la partie émergée d’une crise bien plus profonde, enracinée et malheureusement inextinguible. Si le désespoir est mobilisateur, les excès ou les provocations de quelques exaltés ne serviront aucune cause. Le temps est à l’action dans la réflexion.
Ne pas participer à un mouvement quel qu’il soit n’implique pas un désintérêt quelconque ou une condamnation envers ce mouvement. On peut combattre le racisme sans déboulonner des statues, ni censurer des œuvres ou manifester dans les rues, alors que la situation sanitaire est encore incertaine.
Il est inacceptable qu’un homme quelle que soit la couleur de sa peau devienne la cible d’un groupe ou d’une quelconque autorité.
Il est inacceptable qu’une femme soit battue à mort avant d’être défenestrée à cause de ses origines et que son assassin soit déclaré irresponsable par la justice.
Il est inacceptable que des médecins urgentistes ou des pompiers soient caillassés dans certains quartiers où ils viennent porter secours.
Il est inacceptable que des zones de non-droit échappent à la loi républicaine.
Il est intolérable de vivre dans un tel monde où la bêtise prime sur l’intelligence., la lâcheté sur la responsabilité et la haine sur l’amour.
Qu’autant en emportent les vents… au loin, très loin.
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