Pas toujours une histoire de couleur
Le décès de Georges Floyd à la suite d’une bavure policière à Minneapolis, le 25 mai, a déclenché des protestations aux États-Unis et au-delà. L’enquête déterminera l’agression raciste que les premières images sembleraient accréditer. Le racisme ne se limite pas à une question d’appartenance à un groupe, que ce soit par sa couleur de peau, sa religion ou sa langue. Le racisme puise sa source dans le rejet, né de la peur de l’étranger et de la différence que renforce une impression présomptive de sa suprématie sur les autres.
Pourtant, le racisme n’est pas à sens unique. Nous avons couramment pris l’habitude d’opposer les blancs aux noirs, car, dans l’inconscient collectif, cela nous renvoie à la période de l’esclavage et du commerce triangulaire. Pratiqué par tous les peuples et sur tous les continents, l’esclavage existe depuis l’Antiquité. Corollaire de la guerre, réduire en esclavage une personne lui faisait perdre sa liberté, en la soumettant à un maître ayant droit de vie et mort sur elle. Le servage n’était-il pas un modèle économique au Moyen-âge en Occident ? Et les serfs étaient bien des populations autochtones. L’aurait-on oublié ?
Quand elle ne massacrait pas ses minorités ethniques sans que cela n’émeuve grand monde, la Sublime Porte pratiquait l’enlèvement des jeunes-filles pour ses harems et des jeunes-hommes afin d’en faire des Janissaires.
Un de ces esclaves les plus célèbres fut Roustam, le compagnon de route Napoléon Bonaparte. La pratique de l’amnésie collective a perduré. Rappelez-vous le silence des dirigeants des pays civilisés, lorsque Daech exterminait les Yezidis, les Kurdes et les chrétiens d’Orient.
Tout assassinat sous couvert de racisme est condamnable. Pourquoi la mort de l’un aurait plus d’importance que le génocide des autres ? Si le policier Derek Chauvin a commis un meurtre, il devra être condamné. Encore faut-il que la justice puisse travailler sereinement.
D’un autre côté, la victimisation est dangereuse. À force de considérer les uns en sempiternelles victimes et dénoncer les autres comme assassins, on sombre dans les amalgames. Ce culte victimaire, véhiculé par certains, ne fait que dégrader l’image de soi que les populations ainsi conditionnées ont d’elles-mêmes.
L’enfermement génocidaire en est une autre illustration. Pourquoi un peuple entier ne pourrait qu’exister que par la souffrance passée de ces ancêtres ? Pourquoi devrait-on rester le tombeau vivant des morts sans sépultures ? Pourquoi la couleur de ma peau devrait-elle me cantonner dans un rôle prédéfini ? Pourquoi ma religion me conduirait-elle à expier ma différence par ma mise à mort ?
Personne n’est au-dessus des autres, c’est ce que font accroire les nuances tranchées, les oppositions factices, les jeux de couleurs. En instillant dans l’inconscient un sentiment d’infériorité, en rabâchant sans cesse les mêmes douleurs endurées par les autres, on ne permet pas à la personne de grandir ou de s’émanciper. La guerre, si nous devons en mener une, est contre l’indigence et l’ignorance afin de combattre les inégalités. La pauvreté jette les plus démunis dans la détresse. L’ignorance prive de toute capacité de raisonnement ; elle pousse également au crime.
Qu’avons-nous vraiment appris les uns des autres ?
Martin Luther King l’avait exprimé par ces mots :
« Nous avons appris à voler comme des oiseaux et à nager comme des poissons, mais nous n’avons pas appris l’art tout simple de vivre ensemble comme des frères. »
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