Et nous sommes encore là
La vie n’est pas un concours de vitesse. L’endurance prévaudra toujours. À quoi bon être le plus rapide, si l’on est incapable d’aller plus loin. Mais jusqu’où ? Pourquoi courir le monde quand on ne sait plus le regarder en appréciant l’instant présent ?
Ne sommes-nous pas devenus des collectionneurs de souvenirs plutôt que des acteurs du moment, dans l’ici et le maintenant (Hic et Nunc) ?
On ne peut être qu’effaré par cette attirance pour l’immédiateté. Que peut-on comprendre de la sculpture ou de la peinture en visitant un musée au pas de charge afin de capturer des images au vol avec son téléphone intelligent ? Quelle satisfaction nous apporte un selfie avec une œuvre d’art en arrière-plan ?
Aujourd’hui, se mettre en scène semble surpasser cultiver son esprit en prenant le temps d’observer sereinement le travail d’un artiste ou d’un architecte. Le maître mot est : « J’ai vu », ou « J’y étais ». Les plaisirs artificiels ne laissent que des rappels évanescents.
D’ailleurs, quel plaisir ?
En d’autres temps, la Joconde attirait des hordes de touristes, armés de leurs appareils photo. L’après-confinement corrigera-t-il cette fascination pour l’instantané ? Cohue en moins, pourra-t-on espérer ne plus assister à des bousculades pour photographier un tableau ?
Chacun voit midi à sa porte. Le rentier surveille les cours de la bourse ; l’agriculteur ou le marin la météo. Le matin au réveil, en ouvrant sa fenêtre, qui n’est pas heureux de se baigner dans la lumière du jour ?
Les plaisirs les plus simples sont souvent les meilleurs : une rencontre inoubliable, un paysage grandiose, des parfums délicats, la saveur des épices, le chant des oiseaux et le silence.
Emportés par l’accélération constante, nous oublions l’essentiel : Le présent. Vous me direz que le présent n’existe pas, le temps marquant un mouvement perpétuel. Un présent est déjà passé en accédant à un futur immédiat. Mais, si nous nous abandonnions un instant à nous-mêmes sans tenir compte du temps externe afin de rentrer dans un temps intemporel.
Pourquoi aller loin alors que nous avons tant à explorer ? Ne sommes-nous pas notre propre inconnu ? Imaginons pouvoir voyager en nous, les yeux fermés pour nous laisser envahir par d’autres sensations plus subtiles. Imaginons faire un avec ce qui nous entoure, en effaçant les murs de notre prison intérieure. Imaginons nous unir au Cosmos. Prenons le temps de nous écouter sans faire un raffut dans notre tête. Déconnectons-nous des soucis du quotidien qui parasitent nos pensées.
Perte de temps prétendrons certains. Il faut investir le temps utilement ; faire fructifier chaque minute. L’important, c’est le pouvoir et l’argent. L’erreur de nos sociétés est d’avoir imposé ce credo. L’argent donne le pouvoir et le pouvoir va à l’argent. L’un est l’autre sont des leurres. Certes, sans argent, on ne peut pas grand-chose.
Notre monde est devenu éminemment matérialiste et consumériste. Il s’est déconnecté de la Nature, du Divin, de l’Esprit. Tout doit se mesurer pour être crédible.
Qu’a besoin l’homme pour vivre ?
Je vous laisse y réfléchir.
En attendant, lorsque j’ouvre ma fenêtre, chaque matin, je suis content d’avoir vécu un jour de plus.
À propos de l’auteur