Et forcément heureux
Pour Vincent Monadé, directeur du Centre National du Livre : « Les gens qui lisent sont plus heureux. »
Le confinement n’aura pas fait beaucoup d’heureux notamment parmi les professionnels du livre. Depuis des années, l’industrie du livre traverse une crise majeure. En 2019, la production littéraire accusait une baisse historique. Les Français lisent-ils moins ? Le monde de l’édition a-t-il su s’adapter à la révolution numérique ? Publie-t-on toujours de la littérature ou diffuse-t-on des produits de grande consommation ? Les plateformes de vente en ligne n’ont-elles pas assassiné les librairies de quartier ?
Dans un monde où la réflexion semble contingentée par l’information continue, plus anxiogène que jamais, lire est un plaisir et une source de liberté. Lire des livres délivre, entend-on fréquemment.
Si lire provoque du bonheur, écrire est un art, une passion ou une thérapie.
On peut écrire pour soi ou vouloir partager ses textes avec un lectorat. Assaillis par une inflation de manuscrits, selon les aveux des professionnels du livre, les éditeurs proposent souvent l’étagère restante à d’apprentis écrivains pensant naïvement connaître la célébrité. À moins d’avoir défrayé la chronique ou eu un moment de gloire télévisuelle, il est pratiquement impossible de se faire éditer. Le livre est un produit et l’auteur une marque. Il n’est donc pas étonnant que l’autoédition ait le vent en poupe. Des plateformes Internet proposent aux nouveaux auteurs de faire paraître leurs livres, parmi elles Amazon assure également la diffusion en ligne.
Fermeture administrative oblige en mars 2020, les libraires ont dû cesser leur activité, mettant en péril leur commerce. Déjà, beaucoup d’entre eux rencontraient de grandes difficultés financières, le plan d’urgence leur aura donné un peu d’oxygène. Plus que la presse, les libraires sont les meilleurs promoteurs du livre, sachant conseiller leurs clients.
Il ne s’agit pas de faire de la publicité pour les gros vendeurs de livres, ces auteurs qui produisent un livre par an, devenus au fil du temps des industriels de l’édition, enfin des grandes maisons parisiennes. Les diffuseurs se chargent d’approvisionner les libraires en leur fournissant la PLV afférente. La richesse du monde littéraire est aussi ailleurs. Entre les auteurs à succès et les écrivains autoédités, existent de nombreux auteurs publiés à compte d’éditeur par des petites maisons d’édition, n’ayant ni diffuseur, ni distributeur, ni service marketing.
Parmi ces auteurs restés dans l’ombre, beaucoup ne sont ni retraités ni fortunés ; ils exercent un métier pour vivre, écrire est pour eux une vocation. Les plus chanceux vendront mille exemplaires ; les autres une ou deux centaines. Ignorés par la presse, même locale, ils n’intéresseront pas les blogueurs ou les blogueuses littéraires non plus. Sollicités par les services de presse des grands éditeurs, ces derniers refuseront poliment de lire des auteurs inconnus, qui ne pourront compter que sur la chance, le bouche à oreille ou leur conviction.
Être trop près de la lumière rend toujours aveugle, il est parfois nécessaire de regarder ailleurs. Sans auteur, il n’y a pas de littérature. Sans lecteurs, il ne sera plus nécessaire d’imprimer des livres.
Les influenceurs pourraient se montrer plus curieux. Bien que le livre soit devenu un produit de consommation, les éditeurs devraient redevenir de véritables découvreurs. Quant aux libraires, nous sommes certains qu’ils sauront pallier comme toujours l’indifférence des uns et autres.
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