Dans les années de plomb…
Pour être de bonne composition, on jouait avec caractère. On soignait sa ponctuation. Il était question d’espace mais au féminin. On laissait le masculin créer de la distance. Féminine, elle était respiration dans la partition prosaïque.
On aimait le mot, il devait sonner juste, équilibre fragile d’une phrase musicale.
Comment faire excellente impression quand on n’avait pas la belle casse ?
On devait savoir écrire même à l’envers pour être lu à l’endroit et faire parler à tort et à travers.
Le plomb rongeait les doigts, saturnisait les corps du cancer des typographes.
C’est ainsi que mourut Jean[1], mon maître et mon ami.
[1] Jean Aubert, lecteur-correcteur aux Éditions Robert Laffont (dans les années 80). Il travailla avec de grands auteurs : Henri Troyat, Bernard Clavel, Max Gallo, Françoise Xenakis. Je fus l’apprenti qu’il accompagnât dans l’art d’écrire.