Ne devrait-on pas débaptiser l’Institut Montaigne ?
Groupe de réflexion ou laboratoire d’idées, le think tank fait plancher des experts au sein d’une structure de droit privé, en principe indépendante des États ou de toute autre organisation.
Créé en 2000 par Claude Bébéar, l’Institut Montaigne, de tendance libérale, est actuellement présidé par Henri de Castries.
Y siègent notamment des cadres d’entreprises, des hauts–fonctionnaires, des universitaires et des représentants de la société civile.
En 2002, l’Institut avait affiché une grande proximité à l’égard du candidat Nicolas Sarkozy, dont Nicolas Baverez devint un des conseillers personnels après qu’il eut été élu à la présidence de République.
En 2017, l’Institut prenait fait et cause pour Emmanuel Macron, fustigeant au passage les représentants de la gauche. Il ne fait aucun doute que, par sa composition et ses orientations, l’Institut s’inscrit comme un soutien du gouvernement en place, tant que celui-ci même teinté socialiste, mène une politique libérale.
Le libéralisme a perdu sa vertu. Hier, le libéral était un esprit neuf et progressiste prêchant pour une société débarrassée des carcans et des dogmes. Aujourd’hui, le libéral est plus préoccupé par l’argent qu’il peut accumuler, en rognant sur la valeur travail. Le libéral d’aujourd’hui est de venu l’épouvantail du libéral d’hier.
Qui se souvient que l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 avait suscité chez certains une peur panique, provoquée par la possible entrée de ministres communistes dans le gouvernement de Pierre Mauroy ?
À cette époque, des personnes sensées avaient acheté des stocks de pâtes, de farine et de sucre, redoutant la pénurie ou l’invasion soviétique ; les plus aisés se contentant de dévaliser les boutiques de luxe, en caviar, cigares et fourrures.
Comme la crise du virus offre de l’audience, il était inévitable que des groupes de réflexion jouent les miroirs. Mais, réfléchir n’est pas que renvoyer son image, c’est aussi penser le monde de demain en corrigeant les erreurs du présent et les inégalités afin de bâtir une nouvelle société plus juste et plus solidaire.
Ainsi, notre noble Institut nous propose de « rebondir face au Covid-19 » et « assouplir quelques verrous juridiques persistants. » Les entreprises pourraient alors « déroger au temps de repos minimum [sic] quotidien de 11 heures minimum par jour. » Ne parlons pas du rachat des RTT par l’employeur (jusqu’en 2022). Il suggère également un « accroissement du temps de travail sans pour autant que la rémunération supplémentaire correspondante ne soit versée immédiatement par les entreprises. »
Les termes sont choisis : Verrous, déroger, repos, temps de travail. Toujours dans la même veine, le Jeudi de l’Ascension pourrait être supprimé. On se rappelle que le Lundi de Pentecôte devait financer une journée de solidarité pour nos anciens. Lorsqu’on voit comment ont été traités nos mêmes anciens lors de la crise sanitaire actuelle, on peut mesurer l’hypocrisie à laquelle participe notre noble Institut.
La France compte plus de 3 millions de TPE et PME, soit 99,8 % du nombre total d’entreprises. La majorité d’entre elles (96 %) sont des microentreprises (MIC). Elles génèrent plus de 36% du chiffre d’affaires global. Impliqué dans les PME depuis plus de 30 ans, j’aimerai savoir quel est le degré de connaissance qu’ont nos penseurs de Montaigne à leur sujet. Nombre d’entre eux viennent des 0,2 % des autres entreprises. C’est comme interroger un banquier d’affaires de la haute finance pour nous expliquer la culture des asperges. Il est vrai que nos énarques, délocalisés à Strasbourg dans la Commanderie, ont réponse à tout en ne sachant rien du monde réel ou si peu.
Je me demande si chez Montaigne nous avons affaire à des profils de ce genre, voire aux « copains d’abord. »
Comme copains, je préfère ceux de Brassens qui ne sont pas « des amis choisis par Montaigne et La Boétie. »
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