Ou la liberté en question

Quand la peur s’installe, nous ne savons plus raisonner en toute logique. Le mécanisme de la peur agit sur notre système limbique, et nous y répondons soit par la sidération soit par la fuite, dans un premier temps. Faire face au danger et affronter la mort n’est que la posture de quelques-uns, ceux pour qui sacrifier leur vie fait partie de leur ADN.

Pollution

La perspective d’un déconfinement progressif à partir du 11 mai 2020 a suscité chez certains une folle espérance que le doux climat printanier est venu exacerber avec les premiers rayons du soleil. Par euphorie dangereuse, je ne critiquais pas l’euphorie en tant que telle, mais l’illusion de liberté retrouvée conduisant à se précipiter tête baissée dans les mêmes errements du passé.

Si les épreuves subies ne nous servent pas de leçons pour l’avenir, alors nous ne sommes pas suffisamment responsables de notre devenir. La responsabilité crée des obligations. La notion est importante en droit car elle engage celui qui commet un acte par la réparation de leurs conséquences dommageables, comme garant de ses actions ou de celles des autres. Dans des périodes troublées, nous avons une responsabilité individuelle et collective, mais également morale. Nous devons avoir la capacité de prendre une décision sans en référer préalablement à une quelconque autorité, en notre âme et conscience, à pouvoir donner les motifs de nos agissements et accepté d’être jugé sur eux.

Assumer un choix induit à en prendre la responsabilité. Refuser de se soumettre à un ordre considéré contraire à sa conscience, illégal ou inique engage sa responsabilité et nous constitue hors-la-loi, rebelle ou résistant.  Néanmoins, ne nous y trompons pas : Prendre des libertés pour son confort personnel en exposant la vie d’autrui implique d’en assumer les conséquences.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas en guerre mais en urgence sanitaire et notre société me semble divisée, alors qu’elle devrait être solidaire.  Les plus nombreux respectent scrupuleusement les règles, quand d’autres essaient de les contourner. Les uns applaudissent régulièrement à 20h00 pour manifester leur soutien au personnel médical, d’autres vaquent à leurs occupations à cette même heure. Quels sont ceux qui espionnent les passants pour dénoncer ceux qui abusent des sorties ? Qui sont ces « bienveillants » qui adressent des lettres anonymes à leurs voisins soignants pour les inviter à s’installer ailleurs ?

Quelle société voulons-nous pour demain ? Voulons-nous d’une société contrôlée, déshumanisée ou confinée pour plus de sécurité ?

S’il s’agit de faire le choix d’un monde hygiéniste où chacun serait tracé par son téléphone ou toute application mobile, nous aurons des réfractaires. Cela peut se comprendre et nous n’avons pas à le juger. Si 40% des Français semblent opposés au traçage par Internet, doit-on les condamner ?

Chaque fois que notre sécurité a été mise en péril, nos gouvernements ont édicté des lois de plus en plus liberticides censées mieux nous protéger. Ce discours officiel ne convainc plus.  D’aucuns imaginent un complot mondial qu’une oligarchie organise pour confiner les populations dans une soumission invisible.  Notre société actuelle est fortement injuste. Selon l’Observatoire des inégalités :

« Les 10 % les plus riches du monde détiennent 86 % de la richesse mondiale alors que la moitié de la population mondiale ne dispose que de 0,5 % de cette richesse. Tout en haut de l’échelle, les ultra-fortunés qui ne représentent qu’une petite frange de 0,7 % de la population, détiennent plus de 41 % du patrimoine mondial. »

Fort de ce constat, il est inévitable que de plus en plus de citoyens doutent de leurs gouvernements et que des mouvements populistes éclosent çà et là. Cette inégalité des richesses s’étend à d’autres injustices.

Inégalité numérique, inégalité de traitement dans les entreprises, inégalité de salaire à travail égal, inégalités de droits selon la position sociale, le quartier ou l’origine. Notre société profondément inégalitaire fait le lit de l’irresponsabilité collective qui se mue en révolte. L’envie, la jalousie et les rancœurs fragilisent le socle social. Et le faible espoir de la fin d’un confinement met en péril notre liberté par des manquements aux règles sanitaires.

Vigilance oblige, fraternité indispensable !