Faute d’avoir eu le long nez
Le néolibéralisme avait érigé en doctrine la mondialisation. En réalisant des économies d’échelle, il s’évertuait à rogner sur la valeur du travail pour préserver voire augmenter les marges du capital. Le maintien du système passait donc par une recherche de coûts de production les plus réduits. Quand on ne peut pas toujours négocier le prix des matières premières, on en vient donc à réduire les salaires en recrutant la main d’œuvre la moins chère et docile, si possible. Pour le capitalisme, les pays émergents sont une manne.
La Chine offrait cette opportunité : une main d’œuvre importante, peu exigeante, travaillant vite et correctement, soumise à un régime autoritaire, celui du parti communiste. Frayer avec le diable ne déroutait pas les néolibéraux qu’ils soient Américains ou Européens. L’argent n’a pas d’odeur, dit-on. Et la conscience des hommes d’affaires s’arrête là où commencent leurs intérêts.
Ce pacte a permis à la Chine de se développer économiquement, devenant le principal concurrent des États-Unis. Si Nixon avait initié le rapprochement, Trump sonnait l’hallali. Pour l’homme d’affaires, la menace de la Chine était trop importante pour continuer ce laisser-faire. La guerre économique était inévitable, mais les États-Unis avaient-ils les armes nécessaires pour abattre le Dragon ?
Un virus est venu jeter le trouble.
Apparu à Wuhan, fin 2019, le Coronavirus (ou Covid-19) a mis la Chine en difficulté. Non qu’elle n’ait pas les capacités de juguler l’épidémie, mais par la responsabilité que les autres pays veulent lui faire endosser. Alors que la pandémie confine plus de la moitié de l’Humanité dans 185 pays, les rumeurs circulent sur l’origine du virus. Le 16 avril 2020, le professeur Luc Montagnier reprenait à son compte une hypothèse émise par deux chercheurs indiens supposant que le coronavirus Covid-19 était issu du VIH. En effet, le 31 janvier 2020, des chercheurs à l’Institut indien de technologie publiaient en « preprint » une étude avant de la retirer quelques jours plus tard. Ils avaient mis en évidence de petits morceaux de la séquence génomique du VIH identiques à des morceaux du génome du Covid-19. Cela corroborait selon eux la théorie que ce virus aurait été créé de toutes pièces par l’homme.
Ce n’était qu’un bruit parmi d’autres. Il n’y a jamais beaucoup de bruits pour rien. Le laboratoire chinois de Wuhan fut rapidement pointé du doigt par des médias américains comme possible source du nouveau coronavirus, bien qu’il ait catégoriquement démenti toute responsabilité dans la pandémie. Néanmoins, le Figaro (du 19 avril 2020) rapporte que : « Selon la plupart des scientifiques, le nouveau coronavirus a probablement été transmis à l’homme par un animal. Un marché de Wuhan a été incriminé car il aurait vendu des animaux sauvages vivants. Mais la présence à quelques kilomètres de là de l’Institut de virologie de Wuhan alimente les spéculations sur une fuite depuis ces installations sensibles. »
Qu’entendrait-on par fuite ? Mauvaise manipulation par des laborantins, traitements de déchets dangereux incontrôlés ou vente de cobayes contaminés par des employés cherchant à gagner de l’argent, les suppositions les plus invraisemblables indiqueraient des failles de sécurité au sein du laboratoire que dénonce la presse américaine.
Les dirigeants occidentaux haussent donc le ton :
« Plus la Chine rend compte de manière transparente de la genèse du virus, mieux ce sera pour tout le monde sur cette planète afin d’en tirer les leçons », estimait la chancelière allemande, Angela Merkel, lors d’une conférence de presse.
« Nous avons besoin de connaître des détails que seul un rapport indépendant peut nous permettre de comprendre sur l’origine du virus, sur la manière d’y faire face (et) sur la transparence avec laquelle les informations ont été partagées », déclarait la ministre australienne des Affaires étrangères Marise Payne à la chaîne publique ABC.
Quant à Emmanuel Macron, il avait émis des doutes sur la stratégie de Pékin après l’apparition des premiers cas dans le centre de la Chine fin 2019, en disant dans une interview au Financial Times :
« Il y a manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas. »
Connaîtra-t-on la réponse ?
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