Faux débat !

59.000 morts à Wuhan ou 97.000 pour toute la Chine. Qu’importe ! « La Chine aurait menti, elle aurait caché la réalité du désastre. » « Normal pour une dictature ! » J’en passe… Voilà ce que la presse de chez nous véhicule aujourd’hui. Il est vrai que nous, les vraies démocraties, détenons l’exclusivité de la Vérité. Notre parole est sacrée. Celle des autres toujours sujette à caution.

Pour être clair, un virus n’a pas de nationalité, ni de passeport. C’est un passager clandestin qui investit un corps sans ne lui demander sa permission, son âge ou son sexe. Quand on aura identifié le patient 0 ou porteur 0, nous en apprendrons un peu plus sur son origine.

La grippe espagnole (1918-1920) n’avait rien d’espagnole, mais l’inconscient collectif pointera du doigt la Péninsule ibérique. D’après le Pr Berche[i] et les travaux de Michael Worobey, professeur de biologie à l’Université d’Arizona qu’on ne peut taxer de complaisance :  « On pense que la grippe espagnole est apparue d’abord au Kansas où elle a contaminé de jeunes soldats américains, qui étaient réunis trois mois dans des camps de formation militaire, à raison de 50 000 à 70 000 individus, avant de traverser le pays et de prendre la mer pour l’Europe.[ii]»

Quand le locataire de la Maison Blanche parle d’un virus chinois, il devrait réviser ses classiques. Qu’importe encore ! Les explications viendront plus tard.

Que nous importe que la Chine ait eu près de 100.000 morts du coronavirus. Cela a-t-il changé quelque chose pour nous ? Certains diront que ce mensonge a constitué une menace pour nos populations. C’est oublier trop facilement les ravages de l’Occident depuis les Grandes Découvertes jusqu’à l’actualité la plus récente. Pour préserver notre mode de vie ou piller des richesses nous avons commis le pire. Alors donner des leçons, on repassera.

Certes, la Chine est loin d’être un modèle de « gouvernance » à l’aune de notre analyse occidentale. Pour ceux qui ne voient la Chine qu’avec les œillères de nos médias, il faudrait rouvrir les livres ou consulter une vraie encyclopédie su Internet. L’histoire de la Chine nous est complètement inconnue. À la fin du 19ème siècle et au début du 20ème, la Chine n’était qu’un pays féodal, soumis à l’Occident qui y avait établi ses comptoirs. Il aura fallu attendre la Révolte des Boxers (Les Poings de Justice) sous Tseu-Hi (1899-1901), relaté par le film Les 55 jours de Pékin, le mouvement nationaliste de Tchang Kaï-chek, puis la Grande Marche de Mao Zedong pour que la Chine brise les chaînes de la colonisation. « Quand la Chine s’éveillera… » était le titre du livre prémonitoire d’Alain Peyrefitte. On complétera par « Le Monde entier tremblera ! » La citation serait de Napoléon Bonaparte.

Le Dragon s’est réveillé. Il a fait du Monde son obligé. A-t-il fait si peur qu’on veuille s’en débarrasser ?

En d’autres temps, lorsque le siège d’une ville durait trop longtemps, on recourait à des techniques efficaces. Il suffisait de contaminer la ville, soit en empoisonnant l’eau qu’utilisaient les assiégés, soit en catapultant des cadavres d’animaux contaminés. Dans les deux cas, le virus faisait son œuvre, la place forte tombait et l’envahisseur rasait les murs ou mettait le feu à la ville pour enrayer la prolifération microbienne.

L’Homme n’a pas évolué depuis. Il fait toujours preuve de la plus perfide des actions pour arriver à ses fins. Tous les moyens lui semblent bons, fussent-ils cruels. À trop jouer avec les allumettes, à trop vouloir se prendre pour Dieu, l’Homme s’est fourvoyé. D’ici l’été, le Monde dans son ensemble sera confiné. Nous devrons nous adapter, en modifiant notre façon de vivre. Nous devrons changer de paradigme, si nous voulons survivre et sauver la Planète.     

Illustration : Les 55 jours de Pékin, réalisé par Nicholas Ray et terminé par Andrew Marton (1963) avec Charlton Heston, Ava Gardner, David Niven, Elizabeth Sellars.


[i] Médecin, chercheur expert en microbiologie il a été membre de la commission scientifique spécialisée de l’INSERM sur les maladies infectieuses et expert des risques biologiques auprès de la direction générale de l’armement. Le Pr Berche présida le Comité des centres nationaux de référence (CNR) de l’Institut de veille sanitaire (InVs), de 2006 à 2011. Il est directeur général de l’IP Lille depuis le 1er juillet 2014.

[ii] Source Le Figaro article « L’origine du virus de la grippe espagnole de 1918 enfin précisée » de Pauline Fréour (29 avril 2014)